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J’ai obtenu un diplôme de dégustateur de miel… Article d’Olivier Nouaillas dans La Vie

22 janvier 2019

Délicieuse chronique d’Olivier Nouaillas de @LaVieHebdo sur son expérience de juré au Concours des Miels

http://www.lavie.fr/blog/olivier-nouaillas/j-ai-obtenu-un-diplome-de-degustateur-de-miel,5130

C’est écrit en toutes lettres sur un beau diplôme, façon certificat d’études ou baccalauréat : « Concours des Miels de France 2018. Certificat de dégustation ». Et au-dessus, en plus petit, « ce certificat de participation au deuxième concours des miels de France comme membre de jury a été décerné à Olivier Nouaillas, en tant que dégustateur ». Signé : le président du concours, Monsieur François Pasteau. Chef du restaurant l’Epi Dupin… Au milieu de nouvelles souvent déprimantes (le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité, les pollutions en tout genre, etc.), la vie de journaliste chargé de l’environnement vous réserve parfois de bien belles surprises. Et celle-ci en est une de taille. Comme un titre de fierté, plus important à mes yeux, que bien d’autres pourtant plus convoités. Il est vrai que j’écris dans « La Vie », depuis bien des années, sur le sort des abeilles, menacées – entre autres – par les pesticides et autres poisons de l’agriculture industrielle et intensive. Ce qui explique, sans doute, l’invitation reçue.

Déjà l’année dernière, le Muséum d’Histoire naturelle m’avait fait le grand honneur de m’inviter à planter un arbre dans son arboretum de Chevreloup. Cette année, c’est au tour de l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF), le principal syndicat apicole, de m’inviter à déguster des miels lors de son deuxième concours de dégustation organisé au Conseil économique, social et environnemental (CESE) situé palais d’Iéna, dans le 16e arrondissement de Paris. Visiblement cette institution de la République, au rôle largement méconnu du grand public, aime les abeilles, les ruches (elle en a quatre sur son toit) et les apiculteurs. Et, pour ce concours, elle a mis les petits plats dans les grands.

Dans le hall d’honneur du palais d’Iéna, le CESE a, en effet, disposé une trentaine de petites tables rondes où les 170 membres du jury (des grands chefs cuisiniers, des apiculteurs, des professionnels mais aussi des journalistes néophytes comme moi… ) sont repartis par groupe de 5 ou 6 pour déguster pas loin de 200 miels français, issus de la diversité de nos terroirs. Ceci à l’heure où les pouvoirs publics veulent – enfin ! – faire progresser l’étiquetage des miels pour en finir avec cette appellation encore trop présente sur de nombreux pots vendus dans les supermarchés : « miel origine UE/ non UE ». Ce qui ne veut strictement rien dire et ouvre la porte à des miels frelatés, notamment de Chine. Pourtant, alors que cette avancée pour les consommateurs en matière d’obligation d’étiquetage avait été actée par le gouvernement à la suite des Etats Généraux de l’alimentation, le conseil constitutionnel vient de la déclarer « inconstitutionnelle » pour d’obscures raisons juridiques. Et donc de l’annuler ! A n’y rien comprendre.

Trêve de considération juridique, en cette belle matinée hivernale du 17 janvier, je suis affecté à la table n°13 intitulée « jury miel de lavande, lavandin ». Cela tombe bien, je préfère les miels doux et fleuris à ceux plus forts et typés. Mais très vite, en découvrant le nom et surtout la profession de mes compagnons de table, une angoisse me saisit. Tous sont des grands connaisseurs de miel, à une seule exception près : moi !

En effet, je suis assis à la même table que – excusez du peu – François Pasteau, à la fois chef cuistot à l’Epi Dupin (il propose notamment à sa clientèle des menus « Bon pour le climat ») président de ce concours, Bruno Bonnelles, vice-président des Toques Blanches, Pierre Ickowicz, directeur d’Icko, (une importante société de matériel de ruches fondée en 1947), et deux apiculteurs : Yves Chauvin, retraité qui possède toujours huit ruches à Saint-Berthevin dans la Mayenne et David Tiberghien qui, lui, en exploite … 2500 dans le Var ! Autant dire que je suis le candide de service pour ne pas dire le nul… Heureusement, notre « président de table », Pierre Ickowicz, un jeune homme tiré à quatre épingles, se montre très pédagogique : « Ce qu’il faut, c’est procéder en quatre étapes, nous informe-t-il : 1/ la présentation (notée sur 2) 2/ l’odorat (noté sur 3) 3/ la dégustation (notée sur 12) 4/ la texture (notée sur 4), ce qui vous fait un total sur 20 » Et d’ajouter : « Si vous n’êtes pas sûr de vous, écrivez les notes au crayon, vous pourrez toujours avec la gomme rectifier votre appréciation ». Dis comme cela, cela paraît simple…

Sur la table, il y a 8 verres fermées par un film plastique, contenant chacun un miel différent de lavande, mais aussi des pommes et des bouteilles d’eau, pour aider les membres du jury, entre chaque dégustation à l’aveugle, à dissiper le goût du sucre et de l’acidité. Nous ouvrons le premier verre. Pour ne pas faire de gaffe, j’écoute attentivement ce que disent mes compagnons de jury : « aspect trouble », « faible en bouche », « granuleux »… Visiblement, ce n’est pas terrible. Discrètement, je tente de regarder ce qu’écrit mon voisin : il ne donne pas la moyenne. Pour ne pas être ni à contre-courant, ni trop sévère, je mets des demi-points pour aboutir à la note de 9,5…

Plus nous avançons dans la dégustation, plus j’y prends goût. Et je me surprends à parler comme mes autres compagnons : « fruité et savoureux », « reste longtemps en bouche », « floral et crémeux »... Mmum ! Au fur et à mesure que mon taux de triglycérides augmente, les notes s’élèvent : 16/20 pour un miel de lavande nettement au dessus du lot, 17 pour le dernier, encore meilleur… Notre chef cuistot lui attribue même un 20 sur 20 ! L’ivresse (de miel) nous guette… Heureusement, le concours est fini et nous faisons nos totaux. Nous sommes six jurés très différents et pourtant nos appréciations convergent pour décerner, à l’unanimité, une médaille d’or et une médaille d’argent à deux apiculteurs (Thomas Décombard et Pascal Perronneau), domiciliés dans le département de la Côte d’or mais qui pratiquent tous deux la transhumance de leurs ruches dans le Gard et le midi de la France.

Entre les 30 tables disposées dans le hall du CESE, l’euphorie gagne et nous échangeons nos miels primés pour découvrir ceux des autres … Surtout, les « coups de cœur du jury », décernés notamment à des miels de bruyère blanche et de romarin à tomber par terre. Ca y est : je suis devenu un « vrai » dégustateur de miel ! Rendez-vous demain matin au petit déjeuner familial…

Olivier Nouaillas

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