Récemment, la Cour des comptes européenne a épinglé la Politique agricole commune (1) et l’inefficacité des mesures de protection des pollinisateurs (2). Après la publication de ces rapports, l’UNAF attendait une réponse forte de la part de la Commission européenne et des Etats membres. Cependant, il semble que le contraire soit en train de se produire. Les signaux envoyés par l’UE semblent, au contraire, aller en faveur du maintien d’une politique sans ambition et inefficace pour les abeilles.
La SCoPAFF, composée des représentants des Etats membres et de la Commission européenne, et l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) se sont réunis les 16 et 17 juillet. L’objectif de ce rendez-vous : discutez du document guide qui doit cadrer l’évaluation du risque vis-à-vis des abeilles domestiques et des insectes pollinisateurs sauvages, dans le cadre des demandes d’autorisation de mise sur le marché des pesticides. En clair, au menu de cette réunion : quel est le niveau d’effet des pesticides considéré comme acceptable pour l’environnement et les espèces non cibles ? Afin de définir ces niveaux, l’EFSA a proposé quatre approches différentes , toutes sont inacceptables pour l’UNAF.
Aucune ne parviendra à une évaluation des risques efficace qui garantisse la durabilité des abeilles, le maintien des services écosystémiques et l’accès à un environnement sain. Elles projettent, au contraire, un avenir sombre pour les abeilles domestiques et les insectes pollinisateurs. L’apiculture européenne apparait plus que jamais en danger. L’UNAF, par l’intermédiaire de BeeLife, notre représentant au niveau européen, s’oppose aux scénarii présentés par l’EFSA. Nous dénonçons aussi les efforts contreproductifs des Etats membres à prendre des mesures concrètes et efficaces pour protéger les abeilles, notamment des produits phytosanitaires.
Pour rappel, en 2013, l’EFSA avait publié son Document guide pour une meilleure évaluation du risque pesticides pour les abeilles. Document qui a été rapidement mis aux oubliettes à cause du blocage de certains Etats membres. Après sept années de luttes acharnées, les apiculteurs européens avaient enfin obtenu un changement de position de la Commission européenne. Elle avait, en effet, invité l’EFSA à réviser son document afin de soumettre une nouvelle approche. Au vu de ce qui est proposé, il semble clair aujourd’hui, que l’EFSA et les Etats membres ne souhaitent pas la mise en place d’une vraie protection des abeilles et des pollinisateurs contre les pesticides.
Ainsi, l’UNAF et BeeLife demandons à la Commission européenne de :
• Adopter et mettre en œuvre dès maintenant le Document guide de l’EFSA proposé en 2013, avec ses mesures spécifiques de protection. Celui-ci propose, à ce jour, l’approche la plus en faveur des abeilles domestiques et des insectes pollinisateurs sauvages. Dans un dossier basé sur des incertitudes aussi importantes, le principe de précaution induit l’adoption des mesures les plus protectrices.
• Mettre en place dès maintenant une vraie plateforme de concertation avec les parties prenantes, notamment en ce qui concerne les processus de décision des mesures spécifiques de protection. En effet, ce qui est actuellement proposée est une plateforme informative, sans communication bidirectionnelle possible.
• Soit, faire valider par des scientifiques indépendants le modèle BEEHAVE et ses estimations, qui simule le développement d’une colonie d’abeilles. En effet, l’industrie des pesticides a été directement impliquée dans sa conception et il est constamment promu par l’Association européenne de protection des cultures. Soit, d’utiliser un des modèles en cours de développement par des scientifiques indépendants. Par exemple, APISRAM, qui est d’ailleurs financé par l’EFSA.
Pour en savoir plus :
Communiqué de presse de l’association européenne BeeLife (en anglais)
1- European Court of Auditors. 2020. Special Report 13/2020
2- European Court of Auditors. 2020. Special report No 15/2020 : Protection of wild pollinators in the EU : Commission initiatives have not borne fruit