La Commission européenne retire enfin trois molécules reconnues dangereuses pour les abeilles. Pour l’Union Nationale de l’Apiculture Française, après plus de 15 ans de lutte acharnée, c’est un grand jour mais ce n’est qu’un premier pas pour la protection de l’apiculture, des pollinisateurs et de l’environnement.
Les Etats membres de l’Union européenne se réunissaient ce matin pour statuer sur le retrait de trois molécules néonicotinoïdes : l’imidaclopride, la clothianidine et le thiaméthoxam (substances actives à la base des préparations : Gaucho, Cruiser, Poncho, Cheyenne, etc.)
Malgré le lobbying acharné des fabricants de ces pesticides [1], 15 Etats membres, dont la France et l’Allemagne, ont soutenu la proposition de la Commission européenne de suspendre pour deux ans l’utilisation en enrobage de semences, en traitement de sol et en pulvérisation de ces trois pesticides, responsables de la mort de milliers de colonies d’abeilles. Bien que ce nombre ne suffise pas à atteindre une majorité qualifiée, le Commissaire européen Tonio Borg a annoncé que la Commission irait au bout de sa proposition et que l’interdiction entrerait en vigueur à compter du 1er décembre 2013.
L’UNAF salue la position du ministre de l’Agriculture française Stéphane Le Foll qui avait retiré, dès juin 2012, l’autorisation du Cruiser sur colza.
Cette décision intervient à la suite des trois avis du 16 janvier dernier de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) identifiant des risques importants pour les abeilles induits par ces molécules et non pris en compte au moment de leur évaluation et de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant l’une d’elles [2].
Pour Olivier Belval, « Ce vote marque enfin la reconnaissance du combat des apiculteurs et de l’UNAF contre ces insecticides neurotoxiques. Pendant 15 ans, les abeilles et les apiculteurs ont été victimes de ces produits. Il est indispensable que cette décision se poursuive au-delà des deux ans annoncés, et surtout qu’elle recouvre l’ensemble des cultures ».
Car, aujourd’hui, ni les céréales à pailles semées en hiver, ni les betteraves, ni les traitements en forêts ne sont concernés par cette interdiction. Ces produits présentent pourtant une très importante persistance dans le sol [3], les rendant ainsi capables de contaminer les cultures suivantes ou les plantes adventices. En France, c’est un tiers des céréales à pailles qui est traité avec les néonicotinoïdes [4], alors que ces mêmes cultures sont utilisés en rotation avec du tournesol, très attractif pour les abeilles !
[3] Les néonicotinoides persistent dans l’environnement, la demi-vie de la clothianidine dans le sol a été mesurée à 148 à 6900 jours (loam sableux et sols argileux). L’imidaclopride peut ainsi être absorbée par des cultures non-traitées, jusqu’à deux ans après la première utilisation, et peut se retrouver dans le pollen et le nectar des fleurs non traitées à des niveaux toxiques pour les abeilles. La persistance des néonicotinoïdes contamine l’environnement au sens large, notamment le pollen. En 2002 et 2003, 69,1% du pollen récolté par les abeilles de 25 ruchers dans cinq départements français, sur des plantes traitées et non traitées étaient contaminés par de l’imidaclopride, bien que cette neurotoxine ait été interdite à l’utilisation sur le tournesol en janvier 1999.
Référence :
1) DeCant, J., & Barrett, M. (2010). Environmental Fate and Ecological Risk Assessment for the Registration of CLOTHIANIDIN for Use as a Seed Treatment on Mustard Seed (Oilseed and Condiment) and Cotton. Environmental Protection (pp. 1–99).
2) Bonmatin, J. M., et al . (2003) A sensitive LC/APCI/MS/MS method for analysis of imidacloprid in soils, in plants and in pollens. Anal. Chem. 75 (9), 2027-2033.
3) Chauzat M.P. et al (2006). A survey pesticides residues in pollen loads collected by honey bees in France. Journal of Economic Entomology, 99:253-262