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PPL Duplomb : mensonges et désinformation

23 mai 2025

Avant le débat et le vote de la proposition de loi Duplomb à l’Assemblée nationale, l’UNAF adresse un message chaque jour aux parlementaires. Ce quatrième message revient sur les mensonges et la désinformation des partisans de la loi.

Madame la Députée, Monsieur le Député,

La proposition de loi Duplomb ne tombe pas du ciel : elle constitue un copier-coller des revendications de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs rassemblées dans « Entreprendre en agriculture » présentée le 29 août 2024. Elle porte une vision de dérégulation, visant à affaiblir les règles qui encadrent depuis vingt ans l’usage des pesticides et les exigences environnementales dans le secteur agricole.

Dès l’émergence des critiques, en particulier celles des apiculteurs et apicultrices, les partisans de cette loi — qu’ils soient parlementaires, responsables syndicaux agricoles ou relais sur les réseaux sociaux — ont cherché à discréditer les faits scientifiques, déformer les réalités de terrain, et accuser les apiculteurs des maux causés...

Nous, apicultrices et apiculteurs de l’UNAF, savons faire la part des choses. Sur le terrain, nombre d’agriculteurs adoptent des pratiques respectueuses des pollinisateurs : pulvérisations à fleurs fermées, en soirée, voire de nuit. Ce respect mutuel existe. Mais une minorité d’exploitants rejette tout encadrement environnemental et cherche par tous les moyens à revenir en arrière.

Mensonges et manipulations : nous les avons vécus

Nous avons été la cible d’attaques violentes et répétées sur les réseaux sociaux et dans certains médias. À chaque fois, nous avons déconstruit les contre-vérités :

“L’acétamipride, les Français l’utilisent dans tous les insecticides domestiques, dans les colliers des animaux domestiques […] et les agriculteurs ne pourraient pas l’utiliser dans des conditions très strictes ? » C’est l’argument avancé par la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, pour justifier l’usage agricole de l’acétamipride.

Générations futures vient de démontrer que c’est totalement faux. Et si c’était vrai ce serait un scandale sanitaire, comme l’a rappelé le directeur scientifique adjoint du CNRS, Philippe Grandcolas, dans Le HuffPost : “Le scandale, c’est qu’on traite des animaux domestiques avec des produits hautement toxiques et perturbateurs du développement du système nerveux chez les enfants. On n’est pas censé caresser un chat traité, et pourtant tout le monde le fait.”

“L’acétamipride est le néonicotinoïde le moins dangereux pour les abeilles”

Les néonicotinoïdes sont la classe de pesticides la plus dangereuse pour les pollinisateurs. Et l’acétamipride est identifié par les scientifiques comme particulièrement dangereux pour la santé humaine. Le 15 mai 2024, l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, a révisé à la baisse la dose journalière admissible d’acétamipride pour les humains : de 0,025 mg/kg à 0,005 mg/kg.
Elle a recommandé de réduire les seuils de résidus pour 38 cultures, dont la betterave sucrière, en raison de sa neurotoxicité confirmée. Autrement dit, même pour la santé humaine, ce produit pose aujourd’hui problème.

“Des alternatives aux néonicotinoïdes n’existent pas”

Encore faux. L’ANSES, l’agence sanitaire française, indique que pour 89 % des usages, des alternatives existent, souvent moins nocives. Dans 78 % des cas, des solutions non chimiques sont également possibles (rotations, auxiliaires de culture…). Par ailleurs, il existe que ce soit pour la betterave sucrière que pour la noisette, des producteurs certifiés bios qui ont des rendements tout à fait corrects, et obtiennent des prix à la tonne bien plus avantageux.

“Les autres pays utilisent l’acétamipride sans problème pour les abeilles”

Cette affirmation est trompeuse.
Dans les pays qui utilisent encore l’acétamipride (Espagne, Allemagne, Italie…), il est principalement appliqué sur des plantes non mellifères (betterave, pomme de terre, maïs). Par ailleurs, ces zones sont rarement des régions apicoles : l’Allemagne, par exemple, importe les trois quarts du miel qu’elle consomme.
La situation n’est pas comparable à celle de la France, où l’apiculture est une activité ancrée dans tous les territoires, avec plus de 60 000 apiculteurs.

“Les apiculteurs eux-mêmes utilisent des pesticides dans leurs ruches”

Oui, certains traitements contre le varroa, parasite destructeur, sont nécessaires. Mais ce sont des produits sous AMM (autorisation de mise sur le marché), dont certains sont d’origine naturelle (acide oxalique, acide formique) et non toxiques pour les abeilles.
C’est une comparaison malhonnête.

“La baisse de production de miel est due à l’amateurisme des apiculteurs”
Faux encore. La chute de production de miel, par exemple en 2024, est due notamment à une météo désastreuse. Et plus largement, les abeilles et autres pollinisateurs sont toujours exposés à de nombreux produits toxiques tels que les fongicides SDHI par exemple. La France autorise 260 substances actives phytopharmaceutiques, ce qui en fait l’un des pays européens les plus permissifs en la matière.
Et depuis 20 ans, l’apiculture subit aussi :

  • le frelon asiatique (depuis 2004) que les apiculteurs combattent sans aide de l’Etat et sans recours à des produits toxiques
  • le varroa destructor (depuis 1982)
  • et le changement climatique, au même titre que l’agriculture.

Malgré ces défis, les apiculteurs - qu’ils soient professionnels, pluriactifs ou amateurs encadrés - continuent d’agir pour protéger les abeilles et la pollinisation.

Pour l’UNAF et ses 22 000 apicultrices et apiculteurs affiliés, le retour des néonicotinoïdes, même partiel ou déguisé, est une ligne rouge.

Nous vous appelons à la plus grande vigilance. Ne laissez pas s’imposer un texte rédigé sous pression d’intérêts agrochimiques. La biodiversité, la santé publique et l’apiculture française méritent mieux.

Avec clarté et détermination,

Christian Pons - Président
Union nationale de l’apiculture française (UNAF)

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