L’Union Nationale de l’Apiculture Française, qui représente plus de 20 000 apiculteurs, réaffirme son opposition forte à ce projet d’arrêté et enjoint le gouvernement à ne pas le publier :
1. Les néonicotinoïdes (NNi) sont des insecticides très puissants et rémanents, dont les effets néfastes sur l’environnement et les insectes pollinisateurs ont été largement décrits scientifiquement et ne peuvent être circonscrits.
2. Le principe de la lutte intégrée contre les ravageurs des cultures, inscrit dans la directive européenne 2009/128, est incompatible avec l’utilisation de traitements de semences, forcément systématique et préventif. Seules des solutions pour traitement curatif, en réaction à la détection de la maladie, sont à envisager pour limiter l’usage de produits et se conformer à cette directive. Des systèmes d’alarme permettant de ne traiter que quand les pucerons sont porteurs de la jaunisse existent et sont déjà utilisés actuellement par une partie des planteurs (cf. www.itbfr.org outils « Alerte Pucerons »).
3. Si l’usage des NNi permet de limiter l’infection par la jaunisse, il ne permet pas de le supprimer et une proportion significative des plants est atteinte malgré le traitement.
4. L’objet de cette dérogation est de permettre le développement d’alternatives et ce, avant 2024. Or, il n’est fait aucune mention de l’impérieuse nécessité de mettre en œuvre dès à présent les alternatives aux NNi existantes telle qu’une combinaison de méthodes de lutte (PNRI ; F. Verheggen et al. 2022, F. Francis et al. 2022). De plus, l’usage d’insecticides en traitement de semences induit un cercle vicieux puisque les insecticides tuent également les prédateurs naturels des ravageurs des cultures, ce qui accroît la dépendance du planteur à l’usage du produit.
5. Il existe un grand risque de contamination des parcelles adjacentes (avis Anses du 02/06/2021), ce qui rend la plantation de bande fleurie dangereuse pour les pollinisateurs.
6. Les données fournies ne permettent pas de prévoir un impact important de la jaunisse sur les cultures de betteraves et donc, de justifier la réautorisation des NNi :
– Le modèle météo de l’INRAE ne permet pas, à ce stade, d’affirmer l’hypothèse d’une survenue précoce des pucerons.
– La fiche sur l’état des réservoirs viraux 2022 montre une pression virale moindre qu’en 2020 et 2021.
7. Les mesures d’atténuation prévues sont insuffisantes pour protéger la biodiversité :
– Une rotation plus longue avant plantation des plantes mellifères, à N+5 plutôt que N+3, comme proposé en Belgique par exemple, est à préconiser
– La possibilité de planter soja, haricot et tabac en N+1 est irresponsable : ces cultures étant attractives pour les abeilles (T. Boumal et al. 2020). Il est nécessaire de préciser quelles sont les « cultures légumières non attractives ».
– Il faut élargir les mesures d’atténuation à l’ensemble de l’entomofaune, en particulier les prédateurs des ravageurs des cultures.