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Tout ce que l’agrochimie vous cache sur l’acétamipride

19 mai 2025

L’UNAF adresse chaque jour, avant le vote à l’Assemblée nationale de la proposition de loi Duplomb, une Alerte Pollinisateurs à tous les parlementaires. La première concerne le néonicotinoide l’acétamipride.

ALERTE POLLINISATEURS

Monsieur le Député, Madame la Députée,

L’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF) tient à vous partager ce court document résumant les connaissances actuelles sur la toxicité de l’acétamipride car nous entendons à répétition la fausse information selon laquelle ce néonicotinoïde serait "moins toxique que les autres néonicotinoïdes" et donc sans danger pour les abeilles. Grâce à ces éléments factuels, vous pourrez voter de façon éclairée et, en cas de vote favorable au retour de cette substance neurotoxique, assumer les conséquences de votre vote.

L’acétamipride, le sulfoxaflor et le flupyradifurone, ont des effets toxiques sur la santé de l’abeille et la santé humaine

Des effets sur les abeilles à faible dose et sur le long terme
Si l’acétamipride est présenté comme le "moins toxique des néonicotinoïdes" pour les abeilles, il reste néanmoins un néonicotinoïde, qui est la famille d’insecticides la plus toxique pour les pollinisateurs. Être moins toxique que d’autres produits phytosanitaires n’en fait pas un produit sans risque. Loin de là…

De nombreux articles détaillent les impacts de ce neurotoxique sur l’abeille, notamment sur la durée de vie[1], la cognition[2], l’apprentissage, la mémoire[3], le comportement[4] de butinage et le microbiote[5] ; autant d’éléments essentiels à la vie d’une colonie d’abeilles. Parmi ces articles, l’un des plus pertinent est sans doute l’étude hongroise publiée dans la prestigieuse revue Nature qui précise l’impact de l’acétamipride sur le cerveau de l’abeille et place ce néonicotinoïde comme un des facteurs centraux du syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles[6].

Une préférence de butinage de l’abeille pour des ressources contaminées à très faibles doses d’acétamipride[7] qui entrainent justement des effets chroniques mortels. Cette préférence de butinage pour des doses sublétales d’acétamipride souligne l’impact insidieux que ce type de produit peut engendrer. L’abeille préfère butiner les fleurs contaminées à l’acétamipride mais à doses très faibles ce qui n’entraine pas une mortalité directe mais les condamne à une mort certaine dans les jours qui suivent.

L’acétamipride est l’un des pesticides les plus retrouvés dans les pains d’abeilles, nourriture essentielle du couvain[8]. Il a été démontré que l’acétamipride, en raison de contacts chroniques avec le couvain d’abeille, entraine des problèmes de développement chez la larve et diminue l’espérance de vie chez l’adulte[9]. Cela concerne aussi le sulfoxaflor et le flupyradiforme[10].

Des effets synergiques récurrents[11] avec de nombreux autres pesticides non évalués. Ces effets synergiques, ou effets cocktail, peuvent se retrouver directement au champ mais aussi dans les ruchers via le pain d’abeille par exemple.

Des coformulants[12] pas encore évalués par l’ANSES et l’EFSA rendent l’acétamipride encore plus toxique pour l’abeille[13] et l’être humain[14]

Les coformulants sont étudiés pour maximiser l’efficacité des substances actives. Aussi, il apparait évident que les produits phytopharmaceutiques à base d’acétamipride sont beaucoup plus toxiques que l’acétamipride seule. Ainsi, pour une évaluation des risques cohérente, et en conformité avec la réglementation européenne, c’est la formulation commerciale dans son ensemble qui doit être évaluée.

C’est le pire néonicotinoïde pour la santé humaine
L’acétamipride est toxique sur plusieurs aspects :
Reprotoxicité (toxicité altérant la fertilité ou le développement du fœtus)[15]
Neurotoxicité (toxicité sur le système nerveux) mise en évidence[16]
Génotoxicité (toxicité sur l’ADN d’une cellule)[17]
Cancérogénicité[18]

Nous vous invitions à lire l’alerte de plus de 1 000 chercheurs, médecins et soignants à ce sujet.

L’interdiction de l’acétamipride, une décision fondée sur la science
Il est faux d’affirmer que selon l’EFSA, "l’acétamipride n’est pas toxique". Si en 2021, l’EFSA estimait qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes de cette toxicité comme aiment à le rappeler de nombreux défenseurs du retour de l’acétamipride, son évaluation de 2024 est beaucoup plus accablante, confirmant le bienfondé des alertes lancées par de nombreux scientifiques et membres de la profession médicale. Dans son avis de 2024, l’EFSA souligne ainsi des risques de toxicité pour le neurodéveloppement et recommande de diviser par cinq les DJA[19] et ARfD[20] de l’acétamipride, ainsi que de baisser les LMR[21] pour au moins 38 produits en circulation en UE. L’EFSA souligne aussi la nécessité de données supplémentaires pour permettre « une évaluation appropriée des dangers et des risques ». A noter que pour cet avis, elle s’est basée sur des études publiées jusqu’à début 2023. Entre temps, de nouvelles études ont été publiées, confirmant notamment les risques pour le neurodéveloppement des jeunes enfants et fœtus.

Réautoriser l’acétamipride, le sulfoxaflor et le flupyradifurone entrainera des impacts économiques sur l’apiculture, déjà en grande difficulté
Il est rétorqué aux apicultrices et apiculteurs que la réautorisation de ces produits n’impactera pas leur production car cela ne concernera que certaines filières telles que la noisette qui représenterait peu d’hectares. Or, l’UNAF rappelle que cette filière est en constante évolution depuis une quinzaine d’années et que cette rapide expansion par la mise en place de vastes monocultures est l’une des raisons de la prolifération des ravageurs tels que la punaise diabolique.

De plus, l’article 2 constitue une porte ouverte pour l’accord de dérogations à de nombreuses autres filières à commencer par la filière de la betterave sucrière. Les garanties prévues par l’article 2 telle que l’interdiction de la plantation de végétaux attractifs pour les pollinisateurs sont absolument insuffisants au regard des caractéristiques des néonicotinoïdes (systémiques, persistants dans l’environnement) et la réalité du terrain (ex : présence d’adventices).

Si la décision de réautoriser ces néonicotinoïdes risque d’entrainer la disparition progressive des exploitations apicoles, la perte de milliers d’emplois et l’accentuation du déficit commercial de de la France en terme de produits apicoles ; elle engendrerait avant tout une réduction massive du potentiel de pollinisation qui se traduirait inévitablement par des pertes de rendement pour les agriculteurs eux-mêmes sur de nombreuses cultures comme les protéagineux, les vergers , les producteurs de graines, le maraichage….

La France a eu raison d’être avant-gardiste sur l’interdiction de néonicotinoïdes et produits au mode d’action similaire.

La France a interdit l’utilisation de ces produits en 2016. L’UE a suivi le pas puisqu’il est interdit d’utiliser du clothianidine, du thiaméthoxame, de l’imidaclopride et du thiaclopride depuis 2019/2020 en UE. En 2022, l’UE a grandement réduit les conditions d’utilisation du sulfoxaflor et la Cour Administrative d’Appel de Marseille a donné raison à l’UNAF en interdisant deux produits à base de sulfoxaflor pour l’absence d’études sérieuses sur les effets, notamment à long terme, sur les larves d’abeilles, le comportement des abeilles ou la survie et le développement de la colonie. Les données scientifiques confirment chaque année le bienfondé de la décision française d’interdire l’acétamipride et le flupyradifurone.

Remettre l’acétamipride sur le marché malgré les risques avérés pour les abeilles et la santé humaine reviendrait à ignorer les alertes répétées des scientifiques, médecins et spécialistes des pollinisateurs. Les députés ne peuvent ignorer ni le droit, ni la science, qui doivent primer sur les arguments partisans avancés par les promoteurs de la proposition de « loi Duplomb ».

Il est temps de prendre une décision fondée sur les faits, et non sur des considérations économiques ou politiques à court terme. Interdire l’acétamipride n’est pas un choix idéologique, c’est une nécessité scientifique et morale.

[1] Shi et al., 2020, Kim et al., 2022, Tan et al., 2017
[2] Mackei et al., 2024, Shi et al., 2019
[3] Abuagla et al., 2024
[4] Barascou et al., 2022, Guo et al., 2021
[5] Su et al., 2024,
[6] Tan et al., 2017
[7] Shi et al., 2025
[8] ITSAP, Restitution du projet BAPESA.
[9] Shi et al., 2020, Su et al., 2024
[10] Kim et al., 2022, Tan et al., 2017
[11] Tosi et al., 2019, Wang et al., 2020, Han et al., 2019, Abuagla et al., 2025
[12] « Substances ou préparations qui sont utilisées ou destinées à être utilisées dans un produit phytopharmaceutique ou un adjuvant, mais qui ne sont ni des substances actives ni des phytoprotecteurs ou synergistes » (Union européenne, Règlement (CE) N° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil)
[13] Heller et al,. 2022, Chen et al., 2019
[14] Gomez et al., 2020 ; Ces combinaisons peuvent aussi augmenter les effets sur les communautés bactériennes de leur système digestif essentiel à leur bonne santé en favorisant les pathogènes (Han et al., 2023).
[15] Gomez 2020, Ichikawa 2019, Wang 2021
[16] Ramirez 2023, Jing li 2023, Laubscher 2022, Huang 2024, Loser 2021
[17] Kocaman 2007, Kocaman 2010
[18] Li 2022
[19] L’EFSA définit la dose journalière admissible comme « la quantité estimée d’une substance présente dans les aliments ou dans l’eau potable qui peut être consommée quotidiennement pendant toute la durée d’une vie sans présenter de risque appréciable pour la santé ».

[20] L’ARfD est définie par le Ministère de l’agriculture comme « la quantité maximum de substance qui peut être ingérée par le consommateur pendant une courte période, sans risque d’effet dangereux pour sa santé ».

[21] La LMR est définie par le Ministère de l’agriculture comme « la concentration maximale admise sans risque pour la santé même si cette quantité est consommée chaque jour toute la vie de l’individu ».

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